La question de l’allocation entre le fonds en euros sécurisé et les Unités de Compte (UC) plus dynamiques est au cœur de toute stratégie patrimoniale. Souvent perçu comme un choix binaire entre sécurité et performance, ce dilemme cache une réalité bien plus nuancée et stratégique. La véritable performance ne naît pas de l’opposition entre ces deux supports, mais de leur synergie intelligente.
Loin d’être un simple placement refuge au rendement modeste, le fonds en euros est en réalité le socle psychologique et financier qui vous autorise à prendre des risques calculés. En changeant de perspective, on découvre que la sécurité qu’il procure n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour aller chercher une performance supérieure sur le long terme avec l’assurance vie.
La stratégie d’assurance vie repensée
- Le fonds en euros n’est pas un frein, mais un catalyseur pour oser la performance sur les Unités de Compte.
- L’allocation par « poches de projet » est plus pertinente que le profil de risque générique.
- La sécurisation progressive de l’épargne à l’approche d’un objectif est une clé de succès.
- L’arbitrage doit s’adapter à la conjoncture (taux et inflation) pour protéger le capital.
Le fonds en euros : votre socle de sérénité pour oser la performance
La première étape consiste à réévaluer le rôle du fonds en euros. Il ne s’agit plus de le voir comme un frein à la performance, mais comme un catalyseur. C’est la présence de ce matelas de sécurité, au capital garanti, qui permet de libérer mentalement une partie de son épargne pour des investissements plus audacieux en Unités de Compte. Le fonds en euros offre un socle stable, avec un rendement moyen des fonds en euros en 2024 de 2,60 %, qui rassure et prévient les décisions hâtives.
La clé est de quantifier ce besoin de sécurité. Déterminez le montant incompressible nécessaire pour couvrir vos projets à court terme ou votre fonds d’urgence. Une fois cette somme sécurisée sur le fonds en euros, le reste de votre capital peut être alloué de manière plus dynamique, sans le stress de voir l’intégralité de votre patrimoine fluctuer.
Le fonds euros est un placement à capital garanti qui bénéficie du mécanisme de l’effet cliquet : les intérêts générés chaque année sont définitivement acquis et protégés, s’ajoutant ainsi au capital pour générer à leur tour des intérêts.
– Louve Invest, Fonds euro : un support prudent qui surprend encore (2025)
Ce rôle d’amortisseur est fondamental. En cas de forte volatilité sur les marchés financiers, la part sécurisée de votre contrat lisse la performance globale. Elle agit comme un rempart psychologique contre la panique, qui conduit souvent les épargnants à vendre leurs UC au pire moment et à cristalliser leurs pertes, anéantissant ainsi des années de potentiel de croissance.
Un portefeuille mixte, combinant fonds en euros et Unités de Compte, parvient à naviguer plus sereinement dans les turbulences des marchés. La base stable du fonds en euros agit comme un contrepoids, réduisant l’amplitude des baisses et permettant de maintenir le cap sur la stratégie de long terme.
Définir votre allocation par ‘poches de projet’ plutôt que par ‘profil de risque’
L’approche traditionnelle qui consiste à se cantonner à un profil de risque rigide — prudent, équilibré ou dynamique — est souvent trop simpliste. La réalité de nos vies est faite d’une multitude de projets avec des horizons de temps variés. Une stratégie plus fine et plus efficace consiste à segmenter son contrat d’assurance vie en « poches » virtuelles, chacune dédiée à un objectif spécifique.
C’est quoi, une allocation par « poches de projet » ?
C’est une méthode qui consiste à diviser votre contrat d’assurance vie en compartiments virtuels, chacun dédié à un objectif de vie précis (retraite, immobilier, études) avec sa propre allocation Fonds en Euros / UC.
Cette méthode permet de faire coexister différentes stratégies au sein d’un même contrat. Vous pouvez ainsi allouer les fonds de manière beaucoup plus pertinente : une poche pour la retraite à horizon 20 ans sera majoritairement investie en UC pour maximiser la croissance, tandis qu’une poche pour un apport immobilier dans 3 ans sera quasi exclusivement sur le fonds en euros pour préserver le capital. Cette segmentation est un levier puissant pour construire sa sécurité financière tout en optimisant le rendement global.
Cas pratique : épargnant 45 ans avec allocation par poches
Un épargnant de 45 ans détenant un contrat multisupport peut structurer son assurance-vie en trois poches distinctes : (1) Poche ‘Retraite à 65 ans’ = 70% en UC (horizon 20 ans), offrant exposition maximale aux marchés pour une croissance optimale ; (2) Poche ‘Études enfants à 18 ans’ = 60% en UC, 40% en euros (horizon 8 ans), équilibre rendement-sécurité ; (3) Poche ‘Projet immobilier dans 5 ans’ = 80% en euros, 20% en UC (horizon court), priorité à la préservation du capital. Cette approche segmentée permet de s’exposer aux risques appropriés pour chaque objectif, indépendamment du profil global de l’épargnant.
Pour mettre en place cette stratégie de manière structurée, il est essentiel de suivre un processus clair. L’organisation de votre épargne en fonction de vos objectifs de vie concrets vous donnera une vision plus précise de votre patrimoine et des actions à mener.
Étapes pour segmenter votre contrat en poches de projet
- Étape 1 : Lister tous vos objectifs financiers à moyen/long terme (retraite, immobilier, éducation, projet personnel) avec leur échéance précise.
- Étape 2 : Pour chaque objectif, évaluer l’horizon de temps et déterminer votre tolérance au risque spécifique à ce projet.
- Étape 3 : Adapter l’allocation de la poche selon l’horizon (UC dominante si > 10 ans, euros dominante si < 5 ans).
- Étape 4 : Mettre en place un suivi annuel pour vérifier l’adéquation allocation/objectif et ajuster si nécessaire.
- Étape 5 : Activer les arbitrages automatiques pour gérer les rééquilibrages sans intervention manuelle.
Mettre en place une stratégie de sécurisation évolutive à l’approche de vos objectifs
Une fois les poches de projet définies, il est crucial de gérer leur cycle de vie. Un portefeuille qui est optimal à 20 ans d’un objectif devient trop risqué à 2 ans de l’échéance. La sécurisation progressive consiste à réduire méthodiquement l’exposition aux Unités de Compte au profit du fonds en euros à mesure que la date de réalisation du projet approche. Cette approche dynamique est prouvée plus performante, générant selon une analyse un rendement supplémentaire de +21,3% par rapport à une allocation à risque fixe sur 15 ans.
La sécurisation progressive repose sur un principe simple : plus l’horizon d’investissement se raccourcit, plus le portefeuille devient défensif. La part d’actifs risqués comme les actions diminue progressivement au profit d’actifs plus stables tels que les obligations, les SCPI ou les fonds monétaires.
– Ramify, Gestion à horizon : Comment assurer la sécurisation progressive (2025)
Heureusement, la plupart des contrats d’assurance vie modernes proposent des options de gestion qui permettent d’automatiser cette désensibilisation au risque. Les options comme la « sécurisation des plus-values » ou la « limitation des moins-values » (stop-loss) permettent de programmer des arbitrages automatiques qui exécutent votre stratégie sans que vous ayez à intervenir constamment. Le chemin, initialement exposé et orienté vers la croissance, se transforme progressivement en une voie plus stable et sécurisée, symbolisant le transfert du capital des actifs risqués vers le fonds en euros à l’approche de l’objectif final.
Pour concrétiser cette stratégie, un échéancier type peut servir de guide. Il permet de visualiser les étapes clés du rééquilibrage de portefeuille et d’anticiper les arbitrages nécessaires pour arriver à l’échéance avec un capital sécurisé, tout en ayant profité du potentiel des marchés pendant la phase d’accumulation.
| Années avant l’objectif | Part UC recommandée | Part Fonds Euros recommandée | Action stratégique |
|---|---|---|---|
| 10 ans | 70-80% | 20-30% | Accumulation maximale, risque maîtrisé |
| 7 ans | 60-65% | 35-40% | Début de rééquilibrage progressif |
| 5 ans | 40-50% | 50-60% | Transition vers plus de sécurité |
| 3 ans | 20-30% | 70-80% | Priorité à la préservation du capital |
| 1 an | 10-15% | 85-90% | Sécurisation quasi-totale acquise |
À retenir
- Le fonds en euros est la fondation qui permet de prendre des risques calculés en Unités de Compte.
- Segmentez votre contrat par « poches de projet » plutôt que de suivre un profil de risque rigide.
- Réduisez progressivement le risque en arbitrant vers le fonds en euros à l’approche de vos échéances.
- Tenez compte de l’inflation : un rendement nominal de fonds euros peut cacher un rendement réel négatif.
Arbitrer intelligemment selon la conjoncture : l’impact des taux et de l’inflation
Une stratégie d’allocation n’est pas figée dans le marbre. Elle doit s’adapter à l’environnement économique, notamment à l’inflation et aux niveaux des taux d’intérêt. L’inflation est l’ennemi numéro un de l’épargnant prudent. Un rendement de fonds en euros de 3% peut sembler attractif, mais si l’inflation est à 4%, le capital subit en réalité un rendement réel négatif de -1,0%. Cette simple simulation montre qu’une allocation mixte reste indispensable pour préserver son pouvoir d’achat à long terme.
Parallèlement, la remontée des taux directeurs a redonné de l’attrait au fonds en euros et aux placements obligataires. Dans un contexte où les obligations d’État redeviennent compétitives, la part sécuritaire du portefeuille gagne en importance. L’arbitrage entre fonds en euros et UC doit donc tenir compte de la « prime de risque » : le surcroît de rendement attendu des actions justifie-t-il encore le risque pris par rapport à un placement sécurisé devenu plus rémunérateur ?
| Contexte économique | Prime risque actions/obligations | Recommandation d’allocation | Raison stratégique |
|---|---|---|---|
| Inflation élevée (> 3%) | Réduite ou négative | Augmenter UC (diversification inflation) | Protéger contre érosion pouvoir d’achat |
| Taux élevés (OAT > 3%) | Resserré | Rééquilibrer vers obligations/fonds euros | Obligations redeviennent attrayantes |
| Volatilité marchés boursiers | Premium exigé haut | Augmenter part fonds euros temporairement | Amortir chocs de court terme |
| Horizon long (> 10 ans) | Écart favorable aux actions | Maintenir/augmenter UC | Capitaliser sur croissance à terme |
Face à cette complexité, des solutions hybrides émergent. Les fonds euro-croissance, par exemple, offrent une « troisième voie ». En échange d’une garantie du capital non plus immédiate mais à une échéance de 8 ans ou plus, ils peuvent investir de manière plus dynamique et viser des rendements supérieurs à ceux des fonds en euros classiques. Selon une analyse, ils proposent un rendement moyen de 3,30% en 2024-2025, ce qui en fait un compromis pertinent pour les épargnants cherchant un surcroît de performance sans s’exposer pleinement au risque des UC. Pour aller plus loin, vous pouvez explorer d’autres outils d’épargne adaptés à vos besoins.
Questions fréquentes sur la stratégie d’assurance vie
Le fonds en euros est-il encore intéressant avec l’inflation ?
Oui, mais pas seul. Son rendement peut être inférieur à l’inflation, entraînant une perte de pouvoir d’achat. Il reste cependant essentiel comme socle de sécurité pour stabiliser un portefeuille et permettre une allocation plus dynamique en Unités de Compte, qui sont nécessaires pour viser une performance supérieure à l’inflation sur le long terme.
Puis-je avoir plusieurs « poches de projet » dans un seul contrat d’assurance vie ?
Oui, tout à fait. La segmentation en « poches de projet » est une gestion virtuelle que vous organisez vous-même. Un seul et même contrat multisupport peut contenir différentes allocations réparties mentalement ou via un suivi externe pour correspondre à vos différents objectifs (retraite, études des enfants, projet immobilier).
À quel âge faut-il commencer à sécuriser son épargne retraite ?
Il n’y a pas d’âge fixe, mais plutôt un horizon de temps. Une bonne pratique est de commencer à réduire progressivement la part des Unités de Compte environ 10 ans avant la date de départ à la retraite. L’objectif est de diminuer le risque à mesure que l’échéance approche pour ne pas subir une forte baisse des marchés juste avant de devoir utiliser son capital.
Qu’est-ce que l’effet cliquet du fonds en euros ?
L’effet cliquet est un mécanisme qui garantit que les intérêts générés chaque année par le fonds en euros sont définitivement acquis. Une fois versés, ils s’ajoutent au capital et ne peuvent plus être perdus. Ces intérêts généreront à leur tour des intérêts les années suivantes, créant un effet boule de neige sécurisé.
